La culture du souffle.

Le 08/07/2020

Dans Santé

Que l’on soit un dragon ou une musaraigne poursuivie par un chat, le souffle est un critère important tant de manifestation de puissance que de capacité à la survie. Quand Merlin, le Barde Breton, convoque, au profit de ses protégés, la puissance tellurique, il épand la brume magique émanant autant de son être que de celui de son avatar, que l'on soupçonne d’être grand, avec des écailles scintillantes et une haleine brûlante.

Quand un Pharaon rendait son dernier souffle, on lui arrachait la langue pour qu’il ne soit pas tenté de revenir dans le monde des vivants, ce qui aurait été une absence de reconnaissance envers celles et ceux qui se dévouaient tant et plus à lui arranger un tombeau bien pourvu matériellement et douillet spirituellement.

L’impératrice de Chine pour sa part, voyait son orifice buccal scellé immédiatement par une boule de bois précieux ou de jade, de façon de lui faire retenir une dernière aspiration. Nos ancêtres ont donc parfaitement assimilé que le souffle et la vie étaient liés au point que de nombreuses cultures les ont désignés comme équivalente : spiro est d’ailleurs le mot Grec qui désigne aussi bien ce qui sera de l’esprit comme de ce qui sera de la respiration.
Pour autant, un spiromètre ne mesure pas notre niveau de mise en phase avec l’univers, mais plus prosaïquement des débits et des pressions. En regardant vers les exercices de respiration conseillés par les écoles de Yoga, on constatera que le lien est reste très fort, une adepte non seulement contrôle sa respiration, mais est capable d’en faire un instrument de méditation. Nous savons d’ailleurs que cela permet de faire baisser ou augmenter le niveau de CO2 dans nos poumons, ce qui a un effet lénifiant.

Une respiration courte, haletante est depuis la nuit des temps considérée comme un signe d’inquiétude, surtout si l’on est poursuivi par un gros prédateur, mais aussi d’anxiété si elle accompagne un sommeil haché. Et puis, voici qu'à l'orée de 2020 une brusque révélation s'est faite : le souffle nous rend fragiles et dépendants.
Fragiles parce qu'il véhicule aussi bien ce qui nous anime que ce qui nous détruit, sous formes diverses, allant de la pollution à la pandémie virale, et dépendants, parce que l'on ne peut pas s'en passer longtemps. Mais jusqu'à présent, respirer était gratuit et il faut bien se l'avouer, un acte aussi inconscient, car la respiration est un acte automatique, mais aussi inconséquent, car nous le faisions gratuitement sans nous préoccuper ni de sa qualité ni de sa quantité.

En quelques mois, nous avons déchanté : respirer de l'air est une activité potentiellement dangereuse si elle se pratique à plusieurs et le fluide gazeux composé qui nous sert à nous sustenter n'est pas toujours innocent, ni pur, il peut contenir de petits tueurs aveugles, cruels et déterminés. Pire, tout ce que nous avons appris pour nous en garder démontre que nous ne pouvons-nous en protéger sans nous imposer quelque chose qui va à l'encontre de nos habitudes et tout au moins pour une part importante de l'humanité moderne de notre souci premier de nous faire voir en avançant à visage découvert !
Porter un masque est un signe de responsabilité en Orient, de sagesse dans les pays du sable et du soleil, dissimulation dans les zones tempérées. C’est là que s’exerce le test permanent, les populations ont vu avec quelles confusions les politiques de santé abordaient la nécessité de protéger notre souffle par le port d’un masque en public. Nous sommes passés en quelques mois d’une minoration de l’utilité à la suprême exigence, voire à la menace, alors qu’il suffisait d’indiquer à quel point cet apport dans la batterie de protection contre les nuisances était un acte simplement logique, une précaution banale, un réflexe simple.

Mais la crise actuelle nous heurte non seulement dans notre santé mais aussi dans nos habitudes et pour certaines et certains, croyances assez archaïques, comme on le constate chez ceux qui refusent de se couvrir le visage, les mêmes qui ont pensé il y a quelques mois que l'épidémie était une blague politicarde ou que le virus reculerait devant leur dévotion.

Par une étrange incidence ces maximalistes de l’exposition font partie de ceux que nous nommons les Gaiaticides pour leur amour immodéré et mortifères de l’épandage d’hydrocarbures dans l’atmosphère ou de la culture du refus de considérer les dérèglements climatiques comme liés aux activités les moins contrôlées. Cela nous laisse assez rêveurs mais montre au moins qu’ils sont cohérents dans leurs réactions.